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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 12:44

Un interprète est-il un artiste?

 

Si on définit l'artiste par la création, on peut se demander si l'interprète est bien un artiste. Crée-t-il quelque chose ? Le musicien, le comédien, le danseur, ne font qu'interpréter les oeuvres d'autres artistes. Ils ne sont pas les auteurs de la partition, du texte, de la chorégraphie. Les artistes véritables, les créateurs, seraient donc les compositeurs, écrivains et chorégraphes ?

 

Pourtant, ces oeuvres n'auraient aucune existence possible sans les interprètes, ce sont eux qui font passer l'oeuvre à l'existence, qui la réalisent, l'actualisent. Or leur manière de l'actualiser, de la rendre effective, leur est propre, n'appartient qu'à eux - et une fois en scène on peut supposer que l'oeuvre leur appartient presque davantage qu'à l'auteur.

 

Interpréter c'est en effet donner du sens, prêter une signification à une chose. On peut donc admettre que les interprètes participent de la création des oeuvres en ce qu'ils en proposent une lecture propre. Et en effet, si on prête attention aux différentes interprétations d'une même oeuvre, on se rend très vite compte qu'elles transforment l'oeuvre. Une même partition n'est pas jouée de la même manière par des musiciens différents, voire par le même musicien à des moments différents de sa carrière. C'est donc presque une autre oeuvre qu'on entend quand on écoute différentes interprétations d'une même partition.

 

Nous pouvons en déduire plusieurs choses :

 

- d'une part, qu'une oeuvre est toujours vivante, qu'elle prend différents sens selon les interprètes, selon les techniques, les styles (ce qui est difficile à distinguer), selon l'histoire assimilée par les hommes. On ne joue certainement plus Bach de la même manière qu'au 18ème siècle, on ne danse plus les ballets romantiques comme à leur origine, parce qu'on n'y projette plus la même chose. Les oeuvres vivent donc dans le temps et dans l'histoire.

 

- d'autre part, nous pouvons voir que le travail d'interpétation d'une oeuvre est presque un travail de création : interpréter c'est recommencer tout depuis une nouvelle origine, celle de son époque, de son style, de sa technique, de sa culture artistique. C'est recommencer tout mais en conservant ce qui est originel dans l'oeuvre : une partition, un texte, un ensemble de pas, qui sont inchangés et fixes.

 

Nous pouvons donc penser que les oeuvres, même si elles restent, ont une histoire. Elles sont comme la sédimentation d'un passé qui est sans cesse renouvelé. L'oeuvre ne serait donc jamais achevée, mais toujours ouverte sur une histoire, une interprétation, une reviviscence, qu'il est impossible de prévoir.

 

 

Prenons l'exemple de quatre interprétations différentes d'une même variation de l 'acte 3 du ballet Raymonda, variation dite "la claque".

En dehors de l'évidente différence entre ces quatre danseuses, nous pouvons reconnaître aussi une différence dans le style propre à chaque technique et à chaque école, c'est-à-dire à chaque compréhension de l'histoire de la danse.

 

Les deux premières sont Russes, issues, pour la première de l'école du Bolchoï, pour la seconde de celle du Marinsky. Elles proposent toutes deux une interprétation très différente, malgré leur communauté de style et d'école. La première est calme, noble mais conserve sous son calme une dimension exotique et un peu sauvage à la danse.

La seconde est très lyrique, romantique et fait de Raymonda une jeune fille timide et sentimentale. Tout l'aspect un peu dur de la variation est gommé, il n'y a même plus de "claque".

 

Les deux dernières sont françaises, toutes deux issues de l'école de l'opéra de Paris, foncièrement différente en technique et en style des écoles russes. Elles accentuent la claque et donnent une version plus dure, plus sauvage, plus énergique de Raymonda. Sylvie Guillem brille par sa vivacité, son brio et son interprétation fougueuse. Sarah Kora Dayanova insiste sur la nuance entre la vivacité et la suavité, la sensualité. Sa danse se construit autour de la nuance.

 

Maria Alexandrovna (Bolchoï) lors d'une tournée en France à l'opéra de Paris :

 

 

Svetlana Zakharova (Bolchoï, élève du Marinsky) :

 

 

 

Sylvie Guillem (formée à l'Opéra de Paris) :

 

Sarah Kora Dayanova (Opéra de Paris) :
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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 13:39

 

Les œuvres d’art connaissent aujourd’hui une situation particulière : à la fois elles sont confinées dans des espaces conçus pour elles seules (musées, exposition etc.), ce qui les sépare de la vie quotidienne des hommes, les arrache à la question de l’utilité ; et elles connaissent par ailleurs un traitement technique inédit.

Nous pouvons nous demander si la reproduction technique des œuvres d’art, reproduction surdéveloppée qui tend à en faire un objet de consommation, ne contribue pas au désenchantement des œuvres.

 

Nous reproduisons en effet les œuvres sous diverses formes, et ce de manière indéfinie : images, disques, vidéos ; pour des usages indéfinis : livres et exposition d’art, publicités, décoration, etc.

Or si le propre d’une œuvre consiste dans son originalité, dans le fait qu’elle soit unique et singulière, on peut se demander dans quelle mesure la reproduction technique des œuvres ne contribue pas à ce que Walter Benjamin appelle la perte de son « aura ». La reproduction des œuvres conduirait à la mise à mort du sens des œuvres, en deux sens :

 

D’une part, la reproduction démultipliée des œuvres annule  la dimension sacrée liée à leur originalité, à leur singularité absolue. Avoir vu des dizaines de reproductions banales, et parfois mauvaises, d’une œuvre originale empêche de percevoir l’œuvre de manière vierge. La reproduction désacralise. Une œuvre est par définition ce qui n’est pas reproductible.  

On peut aussi s’interroger la nature des reproductions : pour la peinture, elles négligent nécessairement les couleurs et la lumière originelles et surtout la matière de l’œuvre. Pour la musique, la danse, tout art scénique, le support qui fige est contradictoire avec le caractère ponctuel, évènementiel, du jeu de scène. Un concert, un ballet, ne sont jamais joués ni dansés de la même manière, ce sont des œuvres, par définition, uniques, vivantes et en mouvement : les figer dans un quelconque support (disque, vidéo) c’est les nier dans leur essence. Il y a d’autre part autant d’écart entre l’image d’un tableau et un tableau qu’entre un enregistrement sonore et un concert ou entre une vidéo qui applatit le mouvement et un mouvement vu sur scène.

 

cez1

 

cez2

 

cez3

 

cez4

Laquelle de ces quatre reproductions de Pommes et biscuits de Cézanne est la plus proche de l'oeuvre originale? On peut parier qu'aucune ne l'est.

 

 

D’autre part, on peut penser que la reproduction technique des œuvres a contribué au déracinement des œuvres d’art : elles n’ont plus de lieu, nous les avons extraites de la vie quotidienne, nous les avons arrachées à leur lieu originel. Ainsi déracinées, ne risquent-elles pas de perdre leur sève, ce qui constitue leur vitalité, à savoir leur inscription dans la vie des hommes à travers leur dimension symbolique et sacrée ? La reproduction technique semble participer de cette désacralisation et délocalisation en faisant des œuvres, soit des produits décoratifs, d’agrément, soit de pures produits esthétiques sans plus de rapport avec la vie.

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 16:07

Qu’est-ce qu’une œuvre ?

Spontanément nous disons de tout ce qui résulte d’une pratique artistique que c’est une œuvre.

Le terme d’œuvre désigne en effet de faire quelque chose, de produire un effet, il désigne l’activité orientée vers une fin. Dans l’art une œuvre est donc le résultat d’une activité spécifique.

Pourtant les activités artistiques sont très variées : peut-on comparer, par exemple, le produit d’un architecte et celui d’un peintre à celui d’un musicien ou d’un chorégraphe ? Peut-on parler d’œuvres d’art dans le même sens dans le cas d’activités aussi variées ? Qu’y a-t-il de commun entre l’œuvre picturale (ou le bâtiment), définitive et permanente,  et une pièce musicale, certes écrite, mais qui doit être, d’une part, jouée par quelqu’un d’autre et qui doit être, d’autre part, interprétée. Une pièce musicale ne peut en effet jamais être jouée de la même manière, même par le même interprète. Elle reste donc livrée à la temporalité et sont toujours à refaire, à recommencer, et donc toujours nouvelles.

Peut-on dire alors que ces types de production sont des œuvres ? Est-ce que seuls les objets achevés et définitifs, les objets qui ont une unité interne et un auteur déterminé sont des œuvres ?

De la même manière, peut-on parler de l’art en un sens unique ? Peut-on admettre une communauté entre des pratiques et des effets si différents ? N’y a-t-il pas d’avantage des arts que de l’art ? Qu’est-ce qui en fait alors un même genre (pourquoi les dit-on « art » ?) ?

 

Rembrandt-Self-Portrait-1659 

Rembrandt, Autoportrait, 1634.

 

Chopin, Ballade n°1 jouée par Zimmermann

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1 février 2011 2 01 /02 /février /2011 16:29
Ce ballet est la deuxième partie d'un ballet plus complet de William Forsythe, intitulé Impressing the Csar, qui s'interroge sur la tradition classique du ballet.
Cette partie est presque devenue un ballet en soi, elle est souvent dansée pour elle-même, indépendamment des autres parties.
In the middle utilise les "techniques" de la peinture classique, comme la conception géométrique de l'espace et le clair obscur, mais propose cependant de penser l'espace différemment (voir billet ci-dessous).
Les corps ne sont là que pour le mouvement qui construit la ligne, le volume, puis l'espace tout entier. Il ne s'agit pas du tout d'une danse qui vise l'expression de soi-même. Au contraire, les corps sont anonymes, ils sont ce qui sert le concept du mouvement et de l'espace, ils sont l'instrument de la représentation d'un concept : celui selon lequel c'est le mouvement qui constitue l'espace et qui critique la thèse de la peinture classique selon laquelle l'espace est premier sur les objets qu'il contient.
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1 février 2011 2 01 /02 /février /2011 16:16

William Forsythe, chorégraphe contemporain, prolonge le problème classique de la représentation de l'espace. Le corps n'est pas tant dans l'espace que ce qui constitue l'espace autour de soi et par le mouvement. Forsythe propose lui aussi (comme la peinture classique) une conception géométrique et neutre de l'espace. Cependant, il ne s'agit plus de penser un espace vide, un espace sans objet, qui existerait par soi seul, indépendamment des corps et des figures (comme le suppose la perspective). Il s'agit plutôt de penser que l'espace c'est ce qui s'organise autour du mouvement et que c'est le mouvement des  corps qui fait l'espace. Il n'y a pas d'espace vide et le mouvement est premier sur l'espace.

 

Les vidéos qui suivent présentent les leçons de Forsythe à ses danseurs, leçons qui visent à montrer comment le mouvement construit l'espace.

 

 

 

 

 

 

 

 

La danse, en tant qu'art qui présente l'essence du mouvement, est le lieu privilégié de monstration de cette conception de l'espace.
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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 15:23

Nous pouvons nous demander si le but de la perspective est d’imiter la vision, ou de représenter l’espace comme on le voit. En ce cas, le tableau ne serait rien d’autre qu’un miroir, ou un trompe l’œil, ou encore un copie en deux dimensions du réel.  On peut s'interroger sur les motivations d’un tel travail : pourquoi représenter le réel tel qu’il est ? A quoi sert la peinture alors ? Le réel ne suffit-il pas ?

 

Brunelleschi (1377-1446) est probablement le premier théoricien de la perspective. Il a tenté des expériences diverses pour formaliser ce qui deviendra la perspective. Brunelleschi laisse supposer que la perspective vise à reproduire la vision. C’est ce que montre son expérience du miroir qui consiste en cela : le peintre regarde à travers une planchette trouée une image qui se reflète sur un miroir. Il peut alors projeter l’image du miroir et en reconstituer la structure. Cette expérience fait du dessin quelque chose d’absolument réaliste.

 

brunelleschi exp1  brunelleschiexp2

 

 

   Expérience de Brunelleschi

 

 

 


Cependant son successeur, Léon Baptista Alberti (1404-1472), architecte et premier grand théoricien de la peinture, semble envisager la perspective autrement que comme reproduction exacte de la vision. Ce qu’on dessine dans la perspective c’est d’abord un concept mathématique et géométrique de l’espace, un espace euclidien, plan homogène, et proportionnellement structuré.

 

persplinéaire


albertipointdefuiteAlberti, perspective linéaire pouvant servir par exemple à la représentation d'un carrelage. il s'agit de tirer un ligne horizontale de hauteur, puis de fixer un point central correspondant au point fixé par le spectateur ou le peintre, puis enfin un point latéral qui permette de calculer la symétrie des carreaux s'éloignant du spectateur.

 

alberti grid

Alberti mit encore au point une grille permettant de mesurer la proportion géométrique des éléments du paysage.

 

 

Pour représenter cela il faut parfois déformer ce que l’œil voit. C’est ainsi que Descartes, dans la dioptrique, remarque que les peintres ne peuvent pas représenter les figures exactement comme elles sont au risque de rater leur effet. Ils doivent parfois, remarque Descartes, peindre des ovales pour représenter des cercles ou des losanges pour représenter des carrés. C’est ainsi qu’on peut en effet penser que la perspective est avant tout une représentation, c’est-à-dire un modèle conceptuel de l’espace et non pas l’espace tel qu’il est perçu.

 

perspective drawing"Pour prouver qu'il ne faut pas dessiner ni peindre comme l'oeil voit"

 

Ce que montre l'invention de la perspective, c'est donc un certain concept de l'espace, comme espace homogène, géométrique, neutre, divisble et surtout concevable indépendamment des objets qui l'habitent. C'est un espace mathématique.

 

On voit ici encore combien une technique n'est jamais neutre, brute, ni indifférente, mais est toujours déjà une représentation du monde.

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28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 16:01

Pour comprendre la spécificité des œuvres d’art, nous pouvons nous tourner vers la question de la beauté. En effet, s’il est difficile d’admettre qu’une œuvre n’est produite que pour la beauté, indépendamment de tout autre critère, il n’en demeure pas moins que c’est le seul lieu où les hommes ont produit volontairement et explicitement de la beauté.

Or, à partir du 18ème siècle, s’opère un changement radical, non pas seulement dans la représentation de ce qui est beau, mais dans la nature du beau lui-même. Alors que, jusqu’au classicisme, on pense que le beau peut être objectif, c’est-à-dire qu’il se trouve dans les choses belles, qu’il est une qualité réelle des choses belles, que nous pouvons le percevoir objectivement, si nous y prêtons attention, le 18ème siècle tendra de plus en plus à penser que le beau n’existe pas objectivement, mais est un sentiment. C’est ce qu’on appelle l’esthétique. La beauté n’est plus tant pensée comme une qualité objective que comme un sentiment subjectif.

Le beau se déplace donc des choses belles réelles et objectives à l’intériorité du sujet qui contemple la beauté : il devient un sentiment subjectif (Hume) à qui cependant certains penseurs conserveront sa spécificité parmi les autres sentiments. Ainsi, Kant en fait un sentiment subjectif mais universel.

 

Le peintre William Turner (1775-1851) est particulièrement représentatif de ce changement dans la compréhension de la beauté. Il est au début de sa longue carrière de peintre un paysagiste relativement réaliste, c’est-à-dire qu’il tache de représenter le réel.

Mais au fur et à mesure de sa carrière, Turner délaisse le paysage en tant qu’objet de représentation, et ne s’y intéresse plus qu’en tant qu’objet de sensation intime, ou en tant qu’il suscite un sentiment. Ainsi Turner ne peint plus de paysages mais le sentiment de celui qui contemple le paysage. Le véritable objet de sa peinture devient donc le sentiment subjectif d’un individu qui perçoit et non un paysage objectif.

 

mercureius-et-herse

Mercureius et Herse


A-lune-milbank-1797-ok

Lune, 1797

 

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Soleil se levant dans le brouillard, 1807

 

carthage turner

Didon construisant Carthage, 1815

 

A partir de ce tableau, environ, on peut voir comment Turner commence de s'intéresser à la sensation subjective de la lumière. Ce qui l'interesse alors c'est l'éblouissement qui saisit le sujet qui contemple et non pas l'objectivité d'une scène.

 

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Plage de Calais à marée basse, 1830

 

turner pluie vapeur vitesse l

Pluie, vapeur, vitesse, 1844

 

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Tempête de neige, 1842

 

Les derniers tableaux de Turner donnent l'impression de déborder le cadre. En effet, puisqu'il ne s'agit plus de montrer un paysage mais de provoquer un sentiment dans le spectateur, le cadre devient inutile, voire embarrassant et réducteur. Le spectateur doit entrer dans la toile et non pas rester à distance.

C'est le triomphe de l'esthétique comme peinture du sentiment.


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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 16:34

Pouvons-nous dire que le concept de représentation désigne l’imitation, la reproduction, la copie conforme du réel ? Si c’est le cas le tableau n’est rien d’autre qu’un trompe-l’œil, un jeu mensonger d’illusions visuelles, dont on ne voit aucunement l’utilité : pourquoi copier le réel, puisque nous avons le réel lui-même ?

 

Il faut donc penser le concept de représentation autrement que comme copie de ce qui existe déjà. Représenter signifie rendre à nouveau présent, cad rendre la chose présente à l’esprit, la présenter à nouveau. C’est en ce sens que nous pouvons penser que le tableau n’est pas représentation comme il serait reproduction. Dire qu’il est représentation c’est peut-être davantage dire qu’il est, à travers son objet, son thème, à travers ce qu’il représente, et la manière dont il le représente, une conception certaine de la nature, du monde, du réel.

 

Ainsi, à partir de la renaissance et jusqu’au 17ème siècle, le tableau use de procédés techniques qui sont bien plus que de simples procédés techniques : ils sont déjà en soi une vision de la nature.

A partir du 15ème siècle, les peintres et les architectes commencent, pour la première fois, d’élaborer une théorie de l’art et de la peinture. Auparavant, ne se posait pas comme un problème l’élaboration d’une telle théorie. Or ces théories de la peinture naissent au même moment que la physique moderne.

Ainsi, alors que les physiciens, comme Galilée (1564-1642) et Descartes (1596-1650), proposent une vision mécaniste et mathématisable de la nature, les peintres proposent de reconstituer le corps humain, ses proportions mathématiques, son mouvement, comme on reconstitue une machine,

devinciépaule

 

  Torso

 

img Etude-des-proportions-du-corps-humain Leonardo-DA-VINCI

 

devincimains

Dessins extraits des Carnets de Léonard de Vinci

 

... ils proposent encore, avec la perspective, de découper l’espace en un espace géométrique, qui non seulement reproduirait la vision humaine, mais encore et surtout reproduit l’idée de la matière comme « étendue, figure et mouvement », cad comme décomposable, divisible et recomposable, ou géométrique.

 

perspective drawing

 

 

perspective-Alberti

 

 

 

remise des clefs

La remise des clefs à Saint Pierre, Le Pérugin, Chapelle Sixtine, Vatican

 

 

 

Ecole d 'AthènesL'école d'Athènes, Raphaël

 

Nous pouvons reconnaître une parenté évidente entre la physique et la peinture. Le tableau montre ce que et comment pense la physique.

 

Ainsi par exemple pouvons-nous comparer les dessins de la dioptrique de Descartes et reconnaître leur évidente parenté géométrique :

 

dioptriquedescartes

 

La technique n’apparaît plus alors comme un simple ensemble de règles qu’il faut appliquer, mais comme une vision, une représentation de la nature, comme mécanique, géométrique et artificielle : celle de la physique moderne.

 

 

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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 13:06

Dans l'idée de l'art abstrait (dont on abstrait la forme), se trouve aussi l'idée d'un art pur, cad d'un art qui revient à l'émotion pure du sujet ou au sentiment esthétique originel. Certaines oeuvres de Kandinsky s'intitulent à ce titre Impression.

 

Nous avons là encore affaire à l'idée que la "production des belles formes", dont parle Kant dans la Critique de la faculté de juger au § 51, doit favoriser le "jeu des sensations" du sujet qui contemple. En réalité Kant parle du "jeu des sensations" pour spécifier la musique, mais Kandinsky développera lui-même une idée de la peinture comme musicalité des couleurs.

Il faut, selon Kandinsky, produire dans le sujet qui regarde un jeu des couleurs (auquel il ajoutera plus tardivement la ligne) tel qu'il s'apparente à un rythme musical.

 

Là encore (comme chez Mondrian) sont mis directement en rapport la structure interne du sujet et la forme, la Composition (titres des oeuvres de Kandinsky) des oeuvres.

 

  kandinskyautomnebav

Automne en bavière, 1908

 

 

ktablarcnoir

Tableau avec l'arc noir, 1912

 

 

kandinsky.comp-4

Composition 4

 

 

kandinskycompo8

Composition 8, 1923

 

 

Kandinsky white

Sur le blanc

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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 16:39

Piet Mondrian (hollandais 1872-1944) est l'un des premiers peintres de l'art abstrait. Comme son nom l'indique, l'art abstrait consiste à abstraire la forme de l'oeuvre. On délaisse la question du contenu, de l'objet, du thème, voire du sens, de l'oeuvre pour n'en plus considérer que la forme.

 

Une certaine interprétation kantienne de l'esthétique pourrait engager l'art dans cette direction.

En effet, pour Kant (mais pas seulement), dans la Critique de la faculté de juger, § 43 à 51, notamment, le beau n'est plus qu'une affaire de sentiment, c'est-à-dire ne se trouve en rien dans les choses, les êtres ou les oeuvres, mais seulement dans le sujet qui regarde ou contemple. Il s'agit donc, à titre de sentiment, de quelque chose de subjectif (qui se trouve dans le sujet et non dans l'objet). Cependant, ce sentiment est  spécial en ceci qu'il est aussi universel, dans la mesure où il est désintéressé, cad n'est lié à aucun intérêt d'aucune sorte (ni sensible, ni raisonnable). C'est un sentiment à quoi correspond une harmonie interne des facultés du sujet. On peut donc penser qu'il correspond à une relation de facultés subjectives, ou à une certaine structure intérieure du sujet qui contemple.

 

A cette forme subjective correspond la forme de l'oeuvre. C'est en ce sens que les peintres abstraits chercheront ce qui leur paraît essentiel dans l'art, à savoir la forme de l'oeuvre, sa composition, sa structure.  

 

Cela est particulièrement visible dans le travail de Mondrian, qui progresse du tableau figuratif vers le tableau abstrait, en extrayant, au fur et à mesure, la forme des oeuvres.

 

mondrianrouge

Arbre rouge, 1908

 

Mondrian Arbre gris originale

Arbre argenté, 1911

 

mondrianpommieren flreus

Pommier en fleurs, 1912

 

comporougejaunebleuetnoir

Composition en rouge, jaune, bleu et noir, 1926

 

Le dernier tableau ici présenté ne conserve plus que la trame ou la structure, jugée par Mondrian essentielle, de la peinture : la ligne et la couleur, suscitant, selon Mondrian, un rythme visuel - s'apparentant au "jeu des sensations" dont parle Kant, dans la CFJ. C'est en ce sens que nombre d'oeuvres du peintre s'intitulent Composition, cad font de l'objet du tableau la forme elle-même.

 

Les dernières oeuvres de Mondrian mettent en relief cette structure devenue essentiellement rythmique, en s'apparentant de la sorte à la musique, pensée par Kant comme "jeu des sensations".

mondrianbrooklinBrooklin boogie woogie, 1943

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