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28 septembre 2014 7 28 /09 /septembre /2014 13:51

La phrase d’Aristote « l’art imite la nature » a traversé l’histoire de l’art (des arts) et a été plus ou moins à l’origine d’un problème désormais classique (et « classique » n’est pas synonyme de « poussiéreux », mais plutôt, pour le dire vite, de « probant ») :

 

Le but de l’art, des œuvres, des artistes, est-il d’imiter la nature ?

 

Ou plutôt (car la question qui précède n’est pas à proprement parler un problème) :

 

Que signifie l’idée que les arts imitent la nature ?

 

Pour tenter de comprendre le sens de cette archi-célèbre formule aristotélicienne, il faut d’abord remarquer qu’il l’a écrite dans la Physique. Est-il étrange de trouver une telle formule dans un ouvrage qui s’occupe de la connaissance de la nature ? Après tout Aristote (qui s’est passionné pour tout ce qui existe sur terre et au-delà de la terre, ou plus exactement pour tout ce qui existe sous et au-dessus de la lune) a aussi écrit une Poétique, dans laquelle il traite du travail de l’art. Pourquoi cette phrase se trouve-t-elle alors dans la Physique ?

 

Spontanément, l’idée que l’art imite la nature semble devoir signifier que les œuvres ont pour but, pour fonction, de copier ce que nous pouvons voir dans la nature, de copier les choses, êtres, éléments qui composent la nature. La fonction de l’œuvre serait alors une fonction de connaissance, d’enseignement : elle nous montrerait, en plus gros, en plus précis, en mieux, en plus visible, ce que nous pouvons cependant naturellement voir de nos yeux.

« Imitation », dans ce cas, signifie « copie », « miroir », « reflet ».

 

La fonction du peintre, du poète, de l’écrivain, du musicien (etc.) consiste alors dans ce cas à reproduire du mieux qu’il peut la perception naturelle. Elle consiste presque à « singer » la perception naturelle, afin de nous donner à connaître quelque chose en le circonscrivant dans le cadre de l’œuvre (cadre réel du tableau ou cadre plus large de ce que l’œuvre donne à voir, à entendre, à lire etc.).

 

Le champion de l’imitation de la nature (comprise en ce sens) est peut-être la nature morte. Comme son nom l’indique mieux en allemand ou en hollandais, la nature morte (Stillnatur – nature muette ou silencieuse) est une sorte de raccourci de la nature : on montre dans un tableau, dans un espace délimité, ce qu’est la nature. On enferme la nature dans un cadre (comme on enferme un insecte dans un bocal) pour montrer ce qu’il faut y voir.

 

 

 

 

Peter Claez est certainement le maître hollandais incontesté de la nature morte

 

Anonyme Musée des beaux-arts de Dijon

Les célèbres herbes de Dürer

 

 

 

Les natures mortes ne sont cependant pas les seuls exemplaires d’un art qui imite au mieux la nature, c’est-à-dire la perception sensorielle naturelle. La passion (déjà mentionnée dans d’autres billets) des peintres de la Renaissance pour les proportions des corps, des volumes, de l’espace géométrique etc. témoigne de cette volonté de reproduire le réel au mieux.

L’enjeu des artistes semble alors être essentiellement technique : il faut d’abord inventer, puis appliquer, des techniques qui visent une objectivité d’ordre quasi scientifique dans la reproduction des choses perçues.

 

Cette conception de la mimesis (l’imitation) donne aux œuvres un statut presque équivalent à celui des sciences : le peintre est celui qui montre au mieux ce que le savant s’efforce de découvrir – et on ne s’étonne plus que Léonard De Vinci soit à la fois peintre et « ingénieur » (terme certes anachronique) : c’est du même travail qu’il s’agit. On ne s’étonne pas non plus que Galilée ait d’abord pensé se faire peintre (si l’anecdote est vraie…).

 

Peut-on alors admettre que si Aristote écrit « l’art imite la nature » dans sa Physique c’est parce que l’art doit montrer la nature pour la faire connaître ? La science démontre et l’art montre ?

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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 14:32

Les Ambassadeurs est une toile célèbre de Holbein (1497-1543).

 

1ambassa (1)

 

 

A l'image de nombreuses vanités, elle montre, à l'aide de l'anamorphose centrale, deux choses essentielles:

- D'une part, que la mort, qu'on ne peut pas comprendre et qu'on peut difficilement se représenter, est au centre de notre vie, comme elle figure là au centre de la toile. Certes, aucun des personnages de la toile semble n'y prendre garde, semble ne la remarquer, et, de fait, ces deux ambassadeurs sont trop préoccupés des"soucis" de la vie pour tourner leur regard vers elle. Pourtant, quand on regarde le tableau, on ne voit qu'elle, au centre, déformée et donc d'autant plus visble qu'elle est peu reconnaissable. Ce que nous montre Holbein, c'est donc que tous nos diverstissements, toutes nos activités, aussi raffinés et nobles soient-ils, (tels sont ici, l'astronomie, la musique, la géographie, les arts et les techniques issus des sciences), toutes ces activités qui font la grandeur de l'homme convergent vers un seul point qui les réduit à néant : la mort, qui vient rendre tout vain, inutile et sans sens. La richesse et le luxe des ambassadeurs (qui sont ici ambassadeurs de l'humanité avant d'être ambassadeurs des nations) semblent alors ridicules.

 

Le tableau d'Holbein montre alors comment, quoi que nous fassions, désirions, entreprenions, nous le faisons toujours pour fuir ce que nous ne voulons et ne pouvons voir : le réel et la mort. Car, s'il s'agit là d'une anamorphose, c'est parce que nous ne pouvons pas voir le réel ou la mort tels qu'ils sont, bien que nous ne puissions pas non plus en détourner nos regards.

 

 

 

- D'autre part, ce que nous montre Holbein, de manière plus subtile encore, c'est que seul l'art peut nous montrer ce que nous ne pouvons, ou voulons, précisément pas voir : seul l'art pictural peut proposer la mort à voir, de façon déformée, mais en même temps centrale. La technique même, ici, est idée : ce crâne ne peut être vu que de biais, car personne ne peut voir le réel de face ; ce crâne prend tout le champ de vision, tout en se faisant passer pour secondaire, de même que dans notre existence humaine, nous faisons passer la considération de la mort en dernier, alors même qu'elle est ce vers quoi tout converge et ce dont l'idée ne nous quitte en réalité jamais.

 

Seul l'art peut donc nous donner à voir ce que jamais nous ne voulons voir. sa vocation est donc, au plus haut point, de nous donner à voir la vérité.

 

 

Vous pouvez en lire un descriptif complet et très détaillé ici. (cliquez).

 

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13 janvier 2013 7 13 /01 /janvier /2013 17:25
 
 
 
L’une des questions majeures de nombreuses philosophies de la connaissance est de savoir comment nous pouvons (et si nous pouvons) distinguer clairement et nettement entre nos états mentaux ou états de conscience. La réponse à cette question est centrale dans la mesure où elle détermine à la fois la nature de la pensée et de la connaissance et le problème de l’erreur et/ou de l’illusion et donc celle de savoir quel peut être notre accès au réel.
 
    Cette question de la discrimination entre les états de conscience est en effet importante car elle détermine notre rapport au réel. Quel accès avons-nous au réel ? Pouvons-nous sortir de notre conscience et connaître le réel tel qu’il est ? Pour savoir cela, il faut trouver un critère net de distinction entre la sensation et l’imagination, ou plus précisément entre l’état mental de la perception, qui est sensé renvoyer à quelque chose de réel hors de moi, et l’état mental de l’imagination, qui ne renvoie qu’à une image produite par mon esprit et qui ne correspond à rien de réel hors de moi.
Trouver un critère de distinction entre sensation et image, c’est permettre un accès de la conscience au réel, sans quoi rien ne nous garantira jamais que ce que nous croyons percevoir n’est pas en fait un rêve, une vision, une construction imaginaire. Sans ce critère, nous ne pourrons jamais différencier la réalité du rêve et nous risquons de rester enfermés à l’intérieur de notre propre conscience.
On voit donc que c’est bien à tort qu’on accuse Descartes de solipsisme : il est au contraire celui qui s’est le plus nettement confronté à cette question (cf. première méditation métaphysique).
 
 
 
 
Très curieusement, deux cents ans plus tard, c’est encore un français qui, dans l’art, posera la question avec à peu près autant de force et de clarté : Théophile Gautier. Théophile Gautier est un écrivain romantique du genre français, c’est-à-dire du genre fantastique. Ses interrogations ne sont pas seulement poétiques, mais encore philosophiques et finalement assez proches de celles de Descartes.
On dit, en effet, du romantisme qu’il préfère penser que le réel n’est pas ce qu’on perçoit par les sens mais est idéal (c’est-à-dire dans les idées). Le romantisme allemand (par exemple, Novalis, Heine, Hölderlin, Von Eichendorff, Hofmannsthal, etc.) semble avoir fait du réel ce a quoi on aspire comme à un état perdu : c’est une nostalgie (Sehnsucht : ce vers quoi on tend mais qui est absent à nos sens). En revanche, le romantisme français est fantastique. Les personnages de Gautier (par dans La morte amoureuse ou dans la célèbre Cafetière) sont toujours aux prises avec la question cartésienne : comment puis-je être certain que ce que je perçois n’est pas imaginaire ? Comment puis-je nettement distinguer le rêve de la sensation ?
La réponse de Gautier est… qu’on ne le peut pas ! ainsi ses personnages finissent par être persuadés que ce qu’ils ont vu en rêve est plus réel que ce qui se tient sous leur sens une fois « éveillés » - si ce mot a un sens ; car c’est plutôt le rêve qui les a éveillés… à la vraie réalité.
 
 
La fin du ballet Gisèle, dont le livret fut écrit par Gautier, manifeste particulièrement bien cette indécision quant à la distinction des états de conscience : Albrecht, au réveil de sa terrible nuit sur la tombe de Gisèle, ne sait pas s’il l’a rêvée ou s’il l’a vue. Les danseurs Nicolas Leriche et Laetitia Pujol manifestent à la perfection l’incompréhension de l’un et l’irréalité de l’autre.
 

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 10:52

On a bien tendance aujourd'hui à penser que l'art est un "moyen d'expression", c'est-à-dire un moyen pour exprimer ses sentiments et émotions, pour sublimer une énergie psychique, et donc la transformer en quelque chose d'extérieur à elle.

 

Cependant, cette conception, à quoi on pourrait faire beaucoup d'objections, est très récente et résulte d'un mélange (peut-être mal assimilé par ailleurs) entre certaines thèses romantiques (bien que le romantisme ne fasse en rien de l'art un simple moyen d'exprimer ses sentiments) et certaines thèses psychanalysantes (cf. Freud, Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci) qui viserait à faire de l'art une activité de sublimation.

 

Ainsi, cette idée de l'art comme expression de soi n'est-elle finalement que peu partagée : peu commune dans l'histoire de l'art, peut-être pas me^me pensée comme telle par ceux de qui elle pourrait venir.

 

En effet, il paraît, au regards des oeuvres elles-mêmes, plus judicieux de penser que l'activité artistique a d'abord un but de connaissance du réel. L'oeuvre doit montrer l'essence de la réalité.

 

Cette thèse est largement partagée dans la littérature, mais elle est peut-être encore plus visible dans la peinture, notamment de la Renaissance.

 

C'est ce qu'on peut voir avec Léonard de Vinci (cliquez).

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2 avril 2012 1 02 /04 /avril /2012 19:25

Méfiez vous de la télévision...

 

 

... José Martinez, dans Appartement de Mats Ek

 

 

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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 13:51

Cependant, nous aurions tort de croire que les vanités ne sont qu’une lamentation sur l’absurdité de l’existence, qu’un discours nihiliste et désespéré.

D’ailleurs, c’est peut-être en cela qu’elles sont, dans le monde pictural, si proches de Pascal.

 

Le génie de Pascal tient aussi (mais pas seulement !) à son art de la contradiction ou de tenir les contradictoires ensemble : l’homme est misérable, mais la conscience de sa misère fait sa grandeur, cependant que cette conscience qui fait sa grandeur fait aussi sa misère. Rien n’est jamais fixe ni définitif dans la réalité : on ne peut pas définitivement seulement pleurer sur le sort de la raison impuissante, de la condition humaine misérable, du caractère éphémère de la beauté, du pouvoir, et des tours de l’imagination.

 

Faire des vanités une « doctrine » définitive c’est ne rien comprendre aux vanités. Les vanités, en effet, sont aussi elles-mêmes un jeu de contradictions : elles déplorent la légèreté des productions humaines – mais par l’intermédiaire de l’art, c’est-à-dire de la plus artificielle des productions humaines. C’est donc aussi un jeu du peintre de faire croire sérieusement que l’art n’est pas sérieux. Le peintre use de tout son art pour montrer la vanité des arts, et le réhabilite ainsi finalement en en montrant la grandeur. De manière analogique, par la pensée les hommes se voient misérables, mais la pensée de leur misère les fait grands.

 

« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien.

Toute notre dignité consiste donc en la pensée. (…) » (Pensées, B 347)

 

Nous pouvons donc comprendre les Vanités comme une critique de la critique ou une ironie sur l’ironie : certes l’homme va mourir, certes ses occupations, même les plus nobles, ressemblent à des agitations vaines ; mais cette conscience de sa mort, cette conscience de son néant devant l’univers infini, cette pensée de sa misère fait aussi qu’il n’est  pas que misérable.

Faire des Vanités un simple cynisme, une simple ironie sur la vie, est beaucoup trop facile. Il faut encore ironiser sur l’ironie, rendre les vanités elles-mêmes vaines.

 

C’est ce que Pascal appelle la « pensée de derrière » et qui consiste à dire que quand bien même tout cela serait vain, il serait encore plus vain d’y renoncer. Ainsi la pensée sur le divertissement (citée plus haut) conclut-elle :

 

« Voilà tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux [le divertissement]. Et ceux qui font sur cela les philosophes, et qui croient que le monde est bien peu raisonnable de passer tout le jour à courir après un lièvre qu’ils ne voudraient pas avoir acheté, ne connaissent guère notre nature. Ce lièvre ne nous garantirait pas de la vue de la mort et des misères, mais la chasse – qui nous en détourne – nous en garantit »

 

Et Pascal écrit encore :

 

« Il n’y a rien de plus conforme à la raison que ce désaveu de la raison » (B 272) qu’on peut entendre certes comme une critique de la raison, mais encore comme une critique de la critique de la raison ; ce qui fait écho à cette autre pensée : « Deux excès : exclure la raison, n’admettre que la raison »

 

 

 

De manière analogique, cette Vanité, d’un maître français inconnu du 17ème siècle, semble ironiser sur les Vanités à la manière pascalienne.

 

unknown french master - allegory of the vanity of earthly t

 

Elle propose en effet tous les éléments des vanités : beauté, savoir, luxe (des vêtements), d’un côte, et de l’autre, la bougie, le temps qui s’écoule, le miroir qui bientôt dira la vérité. Nous pourrions donc croire qu’il s’agit là encore d’une critique des agitations et passions des hommes. Pourtant le sourire de la jeune femme semble se moquer des vanités ; sourire voilé d'une ombre amusée, regard brillant et moqueur, doigt ironique pointé sur le crâne. La belle jeune semble à la fois savoir qu'elle vieillira et mourra et s'en moquer.

Il se pourrait que le peintre, par la maîtrise de son art, se moque de qui se moque des divers arts humains, ironise sur l’ironie des vanités.

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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 12:28

Les vanités sont un type de tableaux produits essentiellement à partir des 17ème et 18ème siècles, du moins ces œuvres sont-elles, pour une multitude de raisons, typiques de l’esprit de ces deux siècles. Elles sont de genres très variés, se partageant entre les paisibles natures mortes hollandaises (nommées Stillnatur, « nature calme » ou « silencieuse ») et les productions tourmentées à la française.

 

 pieter-claesz-still-life-with-roemer-and-oysters-mid.w5

Pieter Claez 17ème s.

 

vanité simon renard de saint andré

Simon Renard Saint André (17ème s.)

 

Celles qu’on nomme explicitement Vanités présentent toujours plus ou moins la même structure : elles exposent les plus nobles inventions de l’homme (le savoir, les arts, les techniques, la beauté, le luxe, le raffinement des hommes, etc.) à côté d’un crâne qui en réduit à néant le sens et la grandeur. En effet, l’horizon de la mort rend toute activité, toute ambition, tout désir de grandeur et de beauté, absurdes, dérisoires, c’est-à-dire vains. C’est pourquoi on les nomme Vanités.


 

pietr claez 1630

 (Pietr Claez - 17ème s.)


Elles nous disent donc combien le savoir humain est dérisoire au regard de l’incompréhensibilité et de l’inéluctabilité de la mort, combien le luxe de la beauté est voué à disparaître etc., et donc combien la seule vertu à cultiver est l’humilité. Humilité de la raison face à une nature insondable, et à elle définitivement incompréhensible, humilité des pouvoirs terrestres et humains (ceux du roi, ceux de la beauté, ceux de la force physique) face à la mort définitive.

En bref, les vanités nous rappellent le mot célèbre du livre biblique L’Ecclésiaste : Vanité des vanités, tout n’est que vanité, et nous invitent, apparemment, à la même conclusion morale.

 

delatourmadeleine Georges de La Tour, Madeleine pénitente.


  ***

 

Il serait assez facile de montrer combien les vanités sont contemporaines et proches des Pensées de Blaise Pascal. Pascal, en effet, critique la présomption de la raison à vouloir s’auto-fonder, à se faire mesure de la vérité, c’est-à-dire à croire pouvoir établir, par elle seule, une explication de la nature. C’est en ce sens qu’il écrit les féroces pensées contre Descartes :

 

« Les philosophes ont bien prétendu y arriver [à la vérité], et c’est là où ils ont achoppé. C’est ce qui a donné lieu à ces titres si ordinaires, Des principes des choses, des principes de la philosophie (…)

Connaissons donc notre portée : nous sommes quelque chose, et nous ne sommes pas tout ; ce que nous avons d’être nous dérobe la connaissance des premiers principes, qui naissent du néant ; et le peu que nous avons d’être nous cache la vue de l’infini (…)

(..) nous brûlons de désir de trouver une assiette ferme, et une dernière base constante pour y édifier une tour qui s’élève à l’infini ; mais tout notre fondement craque, et la terre s’ouvre jusqu’aux abîmes (…) »(B 72, Disproportion de l’homme)

 

«  Ecrire contre ceux qui approfondissent trop les sciences. Descartes » (B 76)

 

 

 

Mais Pascal critique encore la vanité des pouvoirs humains, notamment dans les Trois discours sur la condition des Grands, pouvoirs et ambitions qui ne tiennent pas leur origine de la nature, mais seulement de l’imagination que les hommes en ont, et donc qui ne reposent sur rien de réel.

 

De même, les vanités croisent allègrement le thème pascalien du divertissement qui fait de toute course aux désirs une simple agitation insensée visant à nous détourner de cette « vérité qui nous reprend ». Ainsi la célèbre pensée intitulée Divertissement (B 139) :

 

« Quand je m’y suis mis quelques fois  à considérer les diverses agitations des hommes et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises etc., j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. (…)

Mais quand j’ai pensé de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a bien une effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près. »

 

 

vanités aux portraits baillyRenard Saint André

 


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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 15:33

Georges de la Tour (1593-1652) est l’inventeur pictural de la subjectivité, de l’intériorité, de la découverte de soi par soi et de la construction de soi par soi. C’est un contemporain de Descartes (1596-1650), et ce à plus d’un aspect.

 

La philosophie de Descartes  s’articule toute entière autour de l’idée du sujet, de la représentation qu’il a de lui-même et en une certain sens on peut dire que Descartes est l’inventeur du problème de l’identité personnelle. C’est du moins avec lui que ce problème en devient un à proprement parler. Il devient par ailleurs le problème de sa philosophie, le centre autour duquel s’organise toute autre position de problème : lorsque Descartes s’interroge sur la vérité, c’est à partir du sujet et pour y revenir, lorsqu’il s’interroge sur la perception, c’est pour affirmer l'activité du sujet, lorsqu’il s’interroge sur la liberté, c’est pour le définir, lorsqu’il s’interroge sur la distinction de l’âme et du corps, c’est pour l'unifier.

 

Or, en quoi consiste la subjectivité, l’intériorité, l’unité et l’identité personnelles « découvertes » ou construites par Descartes ? Qu’est-ce qu’être soi-même ? Qu’est-ce qu’être un sujet ? (puisqu’être soi c’est être sujet)

On peut suivre l’interprétation de Descartes qui consiste à dire qu’être soi c’est d’abord un acte : un acte par lequel je suis en relation avec moi-même. Cet acte est un acte de réflexion, c’est-à-dire non seulement un acte de pensée (la réflexion étant la caractéristique essentielle de la pensée par distinction avec l’automatisme du corps), mais un acte par lequel on se re-présente soi-même à soi-même. C’est dans cet acte de représentation (où l’on se présente à soi-même à nouveau, pour ainsi dire une deuxième fois) que consiste la construction du soi. Cette relation de soi à soi constitue le « soi-même ».

Or, si cette relation se fait par la « lumière naturelle » (la raison), cela ne signifie pas que nous soyons absolument clairs à nous-mêmes, il reste évidemment de nombreux points obscurs. Mais ce le travail d’éclaircissement de cette lumière sur son objet (soi-même) qui constitue l’intériorité, la subjectivité.

 

Georges de La Tour montre en peinture cette subjectivité cartésienne : la lumière, dont la source est souvent centrale, construit le personnage, lui « tire le portrait », en donne une représentation. Cette représentation n’est pas pure limpidité, mais c’est elle qui dessine les contours du visage, qui fait apparaître le visage et qui en construit la représentation, c’est elle qui construit l’espace intime du sujet vis-à-vis de lui-même, elle est la relation de soi à soi.

 georges de la tour 054

Petit souffleur à la lampe, Musée des Beaux arts de Dijon

17 LA TOUR GEORGES DE CHRIST IN THE CARPENTER S SHOPD1

Christ dans l'atelier du charpentier

delatourmadeleineMadeleine pénitente.

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5 avril 2011 2 05 /04 /avril /2011 14:44

 

 

L'empirisme est une théorie de la connaissance qui suppose que toutes nos idées nous viennent entièrement de l'expérience et que nous ne pouvons connaître que ce qui relève de l'expérience.

 

Ainsi, Hume, philosophe empiriste écossais du 18ème siècle, pense que nos idées ne sont rien d'autre que les copies de nos sensations. Elles sont donc de même nature que nos sensations et n'en diffèrent qu'en degré d'intensité. Elles sont en effet moins intenses que les sensations elles-mêmes : l'idée d'une douleur est moins intense que cette douleur elle-même, comme le souvenir d'une expérience est moins intense que l'expérience vécue.

 

Hume décompose donc deux types d'idées : les idées simples qui sont des copies immédiates des sensations (ex. l'impression de rouge) et les idées composées qui sont, comme leur nom l'indique, des combinaisons d'idées simples ou de sensations (ex. un panier de pommes rouges).

Tout le travail de l'esprit consiste donc dans un travail de mémoire des sensations et d'association d'idées. On ne peut pas dire qu'il existe chez Hume un travail spécifique de l'esprit, véritablement distinct de l'activité des sens, de l'imagination et de la mémoire (celle-ci s'apparentant à l'imagination).

 

Cependant, parler d'activité des sens, c'est déjà trop dire. En effet, Hume parle d'impressions sensibles, davantage que de sensations. On entend là que le corps et l'esprit sont pensés comme des surfaces vierges qui se laissent impressionner par le monde et les "choses" du monde. Nous sommes donc entièrement passifs dans l'expérience, et celle-ci ressemble davantage à un flux impressionnel, à un "bombardement" d'impressions, qu'à une perception construite et unifiée.

 

Le travail philosophique de Hume consiste alors à remonter, dans la mesure du possible, aux impressions originaires, c'est-à-dire aux impressions réellement vécues ou expérimentées. Car l'habitude que nous avons de voir des impressions sensibles succéder les unes aux autres (par exemple la fumée suit le feu) tend à nous faire croire à un ordre réel dans le monde qui relierait les impressions entre elles (telle la relation de causalité : "le feu est cause de la fumée", mais encore l'identité personnelle ou l'idée même qu'il existe des "choses").

Il faut donc selon Hume discriminer ce qui, en nous, relève d'une habitude psychologique et qui est une illusion de la conscience et ce qui relève de l'impression originelle seule et réelle.

 

Par certains aspects, les impressionnistes (comme leur nom l'indique) sont empiristes : ils cherchent eux aussi à remonter aux impressions originelles. Ainsi, si nous voulons (selon eux) être exact, à savoir ne peindre (ne rendre) que ce que nous voyons, stricto sensu,  nous voyons alors les choses se dissoudre, leurs contours s'estomper, ce que nous croyons unifié se fondre dans un chaos d'impressions, pour laisser place à des impressions bombardées de toute part et en tout sens.

Les tableaux impressionnistes remontent à l'origine de l'impression ou de la sensation. Ils nous montrent ce que nous voyons réellement (selon l'empirisme) et non ce que nous croyons voir (!) à cause de l'effet d'optique déformant de l'habitude.

 

monet meules de foin

 

nympheas

 

impression 1872

 

Claude Monet, Meules de foin, Nymphéas, Impression.

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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 13:51

- Après avoir appris la danse à l'école de danse de l'opéra de Paris, Kader Belarbi est engagé dans le corps de ballet en 1980, puis accède au titre de danseurkaderbelarbi étoile en 1989, titre décerné par Rudolf Noureev. Kader Belarbi appartient en effet à cette génération de danseurs de l'opéra de Paris qui a eu le privilège de travailler et de danser les productions de Noureev.

Il a dansé les plus grands ballets romantiques, classiques (notamment dans les versions Noureev) et contemporains, dont plusieurs du chorégraphe Mats Ek.

Il a signé par ailleurs lui-même un grand nombre de chorégraphies.

Il est, depuis 2010, directeur artistique du ballet du Capitol de Toulouse.


 

 

Il présentera, lors de ce spectacle à l'auditorium de Dijon, cinq ballets : Entre-deux, chorégraphié avec Mats Ek, Room, Les épousés et Salle des pas perdus, puis enfin Tulips de Mats Ek. Vous pouvez lire la présen tation  du programme ici.

 

 

 

 

- Mats Ek est un chorégraphe d'origine suédoise, né en 1945, et de renommée internationale. Il est célèbre pour avoir revisité les grands ballets romantiques mais encore pour avoir développé une gestuelle propre qui inspirera d'autres chorégraphes après lui.

 

Kader Belarbi et Monique Loudieres in Giselle de EkKader Belarbi et Monique Loudières dans Giselle de Mats Ek

 

Vous pouvez voir ici une vidéo de son ballet Wet Woman avec Sylvie Guillem :

 

 

 

 

 

 

- La vidéo suivante présente une interview de Kader Belarbi lors de son travail avec le ballet du Capitol de Toulouse, vidéo dans laquelle il rend compte de ses intentions chorégraphiques, de sa manière de travailler.

 

 

 

 

- La vidéo qui suit est un court extrait du ballet Entre-deux que vous pourrez voir à l'auditorium le 24 mars 11 à Dijon.

 

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