Les Ambassadeurs est une toile célèbre de Holbein (1497-1543).
A l'image de nombreuses vanités, elle montre, à l'aide de l'anamorphose centrale, deux choses essentielles:
- D'une part, que la mort, qu'on ne peut pas comprendre et qu'on peut difficilement se représenter, est au centre de notre vie, comme elle figure là au centre de la toile. Certes, aucun des personnages de la toile semble n'y prendre garde, semble ne la remarquer, et, de fait, ces deux ambassadeurs sont trop préoccupés des"soucis" de la vie pour tourner leur regard vers elle. Pourtant, quand on regarde le tableau, on ne voit qu'elle, au centre, déformée et donc d'autant plus visble qu'elle est peu reconnaissable. Ce que nous montre Holbein, c'est donc que tous nos diverstissements, toutes nos activités, aussi raffinés et nobles soient-ils, (tels sont ici, l'astronomie, la musique, la géographie, les arts et les techniques issus des sciences), toutes ces activités qui font la grandeur de l'homme convergent vers un seul point qui les réduit à néant : la mort, qui vient rendre vain, inutile et sans sens. La richesse et le luxe des ambassadeurs (qui sont ici ambassadeurs de l'humanité avant d'être ambassadeurs des nations) semblent alors ridicules.
Le tableau d'Holbein montre alors comment, quoi que nous fassions, désirions, entreprenions, nous le faisons toujours pour fuir ce que nous ne voulons et ne pouvons voir : le réel et la mort. Car, s'il s'agit là d'une anamorphose, c'est parce que nous ne pouvons pas voir le réel ou la mort tels qu'ils sont, bien que nous ne puissions pas non plus en détourner nos regards.
- D'autre part, ce que nous montre Holbein, de manière plus subtile encore, c'est que seul l'art peut nous montrer ce que nous ne pouvons, ou voulons, précisément pas voir : seul l'art pictural peut proposer la mort à voir, de façon déformée, mais en même temps centrale. La technique même, ici, est idée : ce crâne ne peut être vu que de biais, car personne ne peut voir le réel de face ; ce crâne prend tout le champ de vision, tout en se faisant passer pour secondaire, de même que dans notre existence humaine, nous faisons passer la considération de la mort en dernier, alors même qu'elle est ce vers quoi tout converge et ce dont l'idée ne nous quitte en réalité jamais.
Seul l'art peut donc nous donner à voir ce que jamais nous ne voulons voir. sa vocation est donc, au plus haut point, de nous donner à voir la vérité.